Devenir mère, c’est faire le deuil 

Dalila Pilot Hammoud

Psychologue Clinicienne

La consultation en psychologie permet de faire un cheminement personnel pour accepter et transformer le vécu traumatique ou pas. Dans le cas d’une césarienne il s’agit parfois de faire un travail de deuil symbolique et il est parfois nécessaire de traverser ce processus pour mieux vivre et accepter « sa différence ».

Nous entendons souvent parler des « étapes » du deuil : choc et déni/ douleurs et culpabilité/ colère/ tristesse et état dépressif/ reconstruction et acceptation. 

Il est important d’intégrer que le processus de deuil (symbolique ou réel) n’est pas linéaire : je conseille de se méfier des notions telles que « passer à autre chose », « faire son deuil », « traverser les étapes du deuil », ces notions évoquent la réussite et ajoute une pression supplémentaire à celle de la conception. Je préfère parler d’états émotionnels que d’étapes : en effet, nous traversons différents états en fonction des événements de notre vie : nous avons le droit d’être envahi par la tristesse ou la colère alors que nous avançons dans notre cheminement. Ce n’est pas une régression bien au contraire c’est une façon d’accueillir toutes nos émotions. Parfois il s’agit simplement d’un rappel « date anniversaire » par exemple.

Le processus de deuil change notre rapport au monde et à la vie. il n'y a pas de logique ni de justice, sinon celle du destin de chacun. Il y a un avant et un après... Suite un travail psychologique cette épreuve nous invite aussi à vivre pleinement l'instant présent, à se focaliser sur nos proches et sur l’essentiel et à apprendre à développer notre résilience.

La résilience un terme très à la mode mais c’est quoi exactement ?

C’est tout simplement la capacité de continuer à se développer après un traumatisme, nous avons en nous des ressources insoupçonnés et pouvons mettre en place une nouvelle organisation psychique qui n'est pas forcément plus forte que l'ancienne, ni plus fragile, juste différente.

La résilience nécessite des interactions sociales pour se développer. La présence d’un réseau extérieur soutenant est indispensable et les soignants ont un rôle à jouer dans cette reconstruction. D’où l’importance de libérer sa parole auprès d’un professionnel ou lors d’un groupe de parole.

Le traumatisme est une atteinte profonde, comme par exemple une personne qui a pu côtoyer la mort ou être agressée par la vie. Selon B. Cyrulnik, environ une personne sur deux subit un traumatisme au cours de son existence, qu’il s’agisse d’un inceste, d’un viol, de la perte précoce d’un être cher, d’une maladie grave, d’un accouchement traumatique, d’un attentat…

Après un trauma, dont la gravité est ressentie différemment selon les individus, il y a deux attitudes : on rumine, seul dans son coin, et on accroit l'impact de cet accident, l’empêchant de s'évacuer, car le souvenir  se cristallise dans le cerveau. La deuxième possibilité est d’en parler et rester acteur pour diminuer l’impact de la blessure. La solitude empêche la résilience.

Nos mécanismes de défense vont enfuir le traumatisme mais le passé refoulé est tel un boomerang et peut refaire surface à n’importe quel moment (suite à un accouchement par exemple). Si on n’a pas réussi à faire un travail dessus pour soigner et guérir les blessures, on aura beau essayer de l’enterrer tant bien que mal, un jour il se réveille sans prévenir et revient vers nous. Et ce réveil qui peut être brutal va ébranler le présent et tout bouleverser sur son passage.


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